Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 29 décembre 2020, n° 18/04341

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 4 a, 29 déc. 2020, n° 18/04341
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 18/04341
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Strasbourg, 11 septembre 2018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ZEI/KG

MINUTE N° 20/1427
NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

— avocats

— délégués syndicaux

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 29 Décembre 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 18/04341

N° Portalis DBVW-V-B7C-G4AI

Décision déférée à la Cour : 12 Septembre 2018 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.S. SCHELL ET CIE

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 608 50 1 2 19

[…]

[…]

Représentée par Me Véronique PIETRI, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIME :

Monsieur Z X

[…]

[…]

Représenté par Me Anne-Catherine BOUL, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. JOBERT, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

M. LAURAIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. RODRIGUEZ

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par M. JOBERT, Président de Chambre,

— signé par M. JOBERT, Président de Chambre et M. RODRIGUEZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat à durée indéterminée du 11 avril 2016, M. X, né le […], a été embauché par la Sas Schell & Cie, en qualité d’ouvrier man’uvre.

M. X a bénéficié d’un arrêt de travail pour maladie à compter du 14 février 2017.

Il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 5 avril 2017, puis il a été licencié le 11 avril 2017 pour faute grave.

Par acte introductif d’instance du 12 décembre 2017, il a saisi le conseil de prud’hommes de Strasbourg aux fins de contester son licenciement et d’obtenir diverses sommes à titre de rappel de salaire, d’heures supplémentaires, d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 12 septembre 2018, ce conseil de prud’hommes a :

— dit et jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné la Sas Schell & Cie à payer à M. X les sommes suivantes :

* 1.761,38 euros au titre du préavis,

* 176,13 euros au titre des congés payés y afférents,

* 1.820,09 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

* 10.568,28 euros à titre de dommages-intérêts,

— débouté M. X de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de rappel de

salaire,

— condamné la Sas Schell & Cie aux entiers frais et dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 1.150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 11 octobre 2018 au greffe de la cour par voie électronique, la Sas Schell & Cie a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures reçues le 22 mai 2019 au greffe de la cour par voie électronique, la Sas Schell & Cie demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de rappel de salaire, et statuant à nouveau,

— dire et juger que la procédure de licenciement pour faute grave est aussi régulière en la forme que fondée sur une cause réelle et sérieuse,

— dire et juger qu’elle n’a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles susceptible de constituer une violation de son obligation de sécurité en matière de santé de ses salariés,

— débouter M. X de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner M. X aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement de a somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures reçues le 11 mars 2018 au greffe de la cour par voie électronique, M. X demande à la cour de :

— dire et juger irrecevable, et à tout le moins mal fondées les demandes de la Sas Schell & Cie,

— confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il l’a débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de rappel de salaire,

— débouter la Sas Schell & Cie de toutes ses fins et conclusions,

— condamner la Sas Schell & Cie à lui payer les sommes suivantes :

* 2.611,80 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,

* 261,18 euros au titre des congés payés y afférents,

* 2.750 euros à titre de rappel de salaire,

— condamner la Sas Schell & Cie aux entiers frais et dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 3 février 2020.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

M. X prétend avoir accompli 180 heures supplémentaires non rémunérées pendant la période de son contrat de travail, heures qui sont contestées par l’employeur.

S’il résulte de l’article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l’espèce, M. X soutient que la Sas Schell & Cie ne lui payait pas les temps de trajet entre le siège de l’entreprise et le lieu du chantier.

Toutefois, force est de constater que M. X n’en justifie pas et ne présente aucun élément quant à ses heures de travail permettant à l’employeur d’y répondre, étant au surplus observé qu’il ressort des bulletins de paie qu’il verse aux débats qu’il a été payé pour 173,33 heures supplémentaires effectuées durant la relation contractuelle.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.

Sur la demande de rappel de salaire

M. X réclame un montant de 2.750 euros à titre de rappel de salaire, au motif que diverses sommes ont été retenues à tort sur certains de ses bulletins de paie.

En effet, les bulletins de paie des mois de septembre, octobre, novembre, décembre 2016 et janvier 2017 mentionnent chacun une avance ou un acompte de 500 euros. Le bulletin de paie de février 2017 mentionne un acompte de 250 euros.

La Sas Schell & Cie soutient que ces retenues correspondent à la déduction des acomptes et avances sur salaire demandées par M. X lui-même. Pour en justifier, elle produit un échange de messages SMS entre ce dernier et M. B Y, président de la société.

Toutefois, il ressort de cet échange que seuls deux acomptes ont été sollicités et accordés : le premier d’un montant de 100 euros est mentionné dans le message du 24 octobre 2016, et le second dont le montant n’est pas précisé est mentionné dans le message du 23 novembre 2016.

De plus, force est de relever que dès son message du 10 octobre 2016, M. X contestait les prélèvements effectués de 500 euros en ces termes : 'Bonjour patron c’est Z, je voulais vous dire que vous m’avez aidé en me prêtant l’argent mais en ne respectant pas notre accord ; vous me mettez dans une mauvaise situation, il va me rester 200 euros pour tout le mois ; si je savais que vous me déduirez 500 euros par mois je ne les aurais pas pris car c’est invivable ; merci patron je n’aurais jamais cru ça de votre part'.

Ainsi, selon ce message qui n’a jamais été contesté par l’employeur, les retenues sur salaire correspondaient à un remboursement de prêt, probablement octroyé avant le mois de septembre 2016. D’aileurs, dans son message du 30 décembre 2016, le président de la société reconnaissait qu’il prêtait de l’argent aux salariés, en écrivant : 'Je vous ai déjà prêté 200 euros et je ne suis malheureusement pas une banque et prête beaucoup à beaucoup de monde, mais il faut savoir arrêter. Si je n’étais pas là comment feriez-vous ' Demandez à des amis, à Yurt peut-être, il peut vous aider'.

En tout cas, la Sas Schell & Cie ne justifie pas des acomptes et avances mentionnés sur les bulletins de paie, ce d’autant que l''avance ne peut être récupérée par l''employeur chaque mois que dans la limite de 10 % du salaire net. Elle ne justifie pas non plus ni des dates des éventuels versements ni d’un quelconque échéancier pour leur remboursement.

En conséquence, il y a lieu de condamner la Sas Schell & Cie à payer à M. X la somme de 2.650 euros à titre de rappel de salaire, pour tenir compte du seul acompte de 100 euros précité et reconnu par le salarié.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé sur ce point.

Sur le licenciement

En application des articles L.1232-1, L.1232-6 et L.1235-1 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, qui doit comporter l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, et il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied à titre conservatoire, est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible la poursuite des relations de travail.

L’employeur qui entend arguer d’une faute grave supporte exclusivement la charge de prouver celle-ci, dans les termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, et si un doute subsiste il profite au salarié.

La lettre de licenciement de M. X du 11 avril 2017 est ainsi libellée :

'Vous avez eu une conduite constitutive d’une faute grave. En effet, nous avons constaté le 14 février 2017, que vous vous étiez permis d’emprunter un véhicule de la société, alors même que vous n’en aviez d’une part pas l’autorisation et d’autre part que vous n’êtes plus en possession de votre permis de conduire.

Par ailleurs, nous avons constaté que vous voliez de la ferraille sur les chantiers, afin de la revendre pour votre compte personnel.

À cet effet, nous avons des témoignages qui corroborent les faits cités ci-dessus. Ces faits nuisent gravement à la bonne marche de l’entreprise. C’est pourquoi, compte tenu de leur gravité, nous sommes au regret de devoir procéder à votre licenciement pour faute grave.'

Il convient dès lors d’examiner les faits reprochés dans le courrier de licenciement et dont M. X conteste tant la réalité que leur caractère de faute grave, laquelle faute grave n’aurait pas, selon lui, été mise en 'uvre dans un délai restreint

Concernant le premier grief

Il est reproché à M. X de s’être permis d’emprunter un véhicule de l’entreprise, alors même qu’il n’en avait pas l’autorisation et qu’il n’était plus en possession de son permis de conduire.

Pour en justifier, la Sas Schell & Cie produit trois messages SMS adressés le 1er février 2017, respectivement à 18:31:52, 18:32:32 et 18:32:54, par son président à M. X et ainsi libellés : 'Rappelez-moi d’urgence' ; 'Vous êtes partis avec la camionnette vous êtes où '' ; 'Vous n’avez pas le permis je suis responsable en cas d’accident'.

Elle produit également une attestation de M. C D, salarié responsable logistique, qui déclare : 'Un jour, mon collègue E F m’a téléphoné pour me dire que Z (M. X) avait pris la camionnette de l’entreprise pour rentrer chez lui en sachant qu’il n’a pas le permis de conduire', en ajoutant : 'il (E F) m’a dit de ne rien dire à personne'.

Suivant procès-verbal de constat dressé le 23 février 2018 par Me Fabienne Lefebvre-Portemont, huissier de justice, M. C D précise encore qu’il 'se trouvait dans le bureau de M. Y le 1er février 2017 lorsqu’il a reçu un appel téléphonique émanant de E F, un ancien employé disant qu’il avait vu Z (M. X) partir avec une des camionnettes de l’entreprise et ce après sa journée de travail'.

Ainsi, ce grief repose uniquement sur l’appel téléphonique de M. E F qui aurait été reçu par M. C D, alors qu’il était dans le bureau de M. Y, président de la société.

Or, le témoignage de M. E F n’a pas été recueilli et les circonstances dans lesquelles il aurait vu M. X partir, seul ou non, avec le véhicule ne sont pas précisées, d’autant qu’il s’agirait d’un ancien salarié de l’entreprise.

Il s’ensuit que le premier grief n’est pas prouvé par l’employeur.

Concernant le deuxième grief

Il est reproché à M. X de voler de la ferraille sur les chantiers, afin de la revendre pour son compte personnel.

Pour en justifier, la Sas Schell & Cie se fonde sur la déclaration de M. G H, salarié, mentionnée dans le procès-verbal de constat d’huissier précité et ainsi transcrite : 'Ce dernier me déclare avoir vu le dénommé Z (M. X) prendre de l’alu au dépôt et le mettre dans son sac de sport. Il a oublié la date des faits mais ajoute que cela s’est produit à plusieurs reprises. Il précise qu’il s’agit de morceaux pré-découpés de différentes dimensions'.

Les faits relatés dans témoignage ne sont ni datés, ni précis ni circonstanciés.

De plus, il est question de prise de l’aluminium au 'dépôt', sans précision de quel dépôt il s’agit, et ce alors que la lettre de licenciement évoque un vol sur 'les chantiers', lesquels chantiers ne sont pas précisés non plus.

Il s’ensuit que le second grief n’est pas non plus prouvé par l’employeur.

En conséquence, les faits reprochés au salarié n’étant pas établis par l’employeur, le licenciement de M. X est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au regard du salaire mensuel moyen de M. X (1.761 euros) et de son ancienneté (1 an et 1 mois) dans l’entreprise, les premiers juges ont fait une juste appréciation de la situation de celui-ci en lui allouant les sommes de 1.761,38 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 176,13 euros au titre des congés payés y afférents et 1.820,09 euros au titre de l’indemnité de licenciement.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ces points.

En revanche, la Sas Schell & Cie sera condamnée à payer à titre de dommages et intérêts la somme de 5.300 euros qui répare intégralement le préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi, compte tenu d’une ancienneté d’un an, de son âge et des difficultés rencontrées pour retouver un emploi.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu''il a condamné la Sas Schell & Cie aux dépens de la première instance, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1.150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

À hauteur d''appel, la Sas Schell & Cie, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

Les demandes respectives des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition de l’arrêt au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement rendu le 12 septembre 2018 par le conseil de prud’hommes de Strasbourg, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de M. Z X à titre de rappel de salaire et condamné la Sas Schell & Cie à lui payer une somme de 10.568,28 euros (dix mille cinq cent soixante huit euros et vingt huit centimes) à titre de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

CONDAMNE la Sas Schell & Cie à payer à M. Z X les sommes suivantes, majorées des intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt :

—  2.650 euros (deux mille six cent cinquante euros) à titre de rappel de salaire,

—  265 euros (deux cent soixante cinq euros) au titre des congés payés y afférents,

—  5.300 euros (cinq mille trois cents euros) à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

REJETTE les demandes respectives des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la Sas Schell & Cie aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le 6Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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